Lettre à M. Thierry, mon « technicien de quartier »

P1100701P1100700Cher M. Thierry, c’est moi, votre « cher voisin ». Ce petit mot pour dire que j’adore celui que vous avez laissé dans ma boîte à lettres, l’autre jour (et dans toutes celles de mes voisins, à en juger par ceux abandonnés par terre ou dans la poubelle). Votre « flyer » photocopié m’a donné le sourire et m’a ému. A l’heure du Web, du multimédia, des traitements de texte, de la photo numérique, de Facebook ou Twitter, vous avez choisi, vous, de faire la nique à la modernité, et de tout rédiger à la main. Avec de petits dessins pour qu’on comprenne bien (je suis fan de votre cuvette de WC croquée au verso, même si ce qui en sort me laisse un peu songeur ; votre clé est un peu bâclée, par contre). Votre seule concession au numérique : une adresse e-mail, et quelques mentions délicieuses (« reproduction interdite ») écrites avec un ordinateur.

M. Thierry, je goûte aussi votre art de la formule. Vous vous présentez comme notre « nouveau technicien de quartier ». Je n’avais jamais imaginé que cette fonction existât. J’adore, ça fait un peu garde-champêtre urbain. Et puis ce « nouveau » m’intrigue aussi : venez-vous de vous installer dans le quartier ? Ou alors remplacez vous un autre technicien de quartier, parti à la retraite ou vers d’autres horizons ? En tout cas, avec vous, pas d’angoisse : vous intervenez partout en Ile-de-France, 7 jours sur 7 et à toute heure du jour et de la nuit (vous ne dormez jamais, chapeau, mais apparemment, ça fait bien gonfler la facture finale, avec un inquiétant « +100% de majoration » de minuit à 7 heures) et vous affrontez sans crainte toutes les galères du quotidien. Vous êtes un peu le Rémi Bricka des enfers ménagers, de la serrure à changer jusqu’à l’engorgement des toilettes.

M. Thierry, je suis aussi fan de votre sens pratique. Vous savez souligner les mots clés, utiliser les encadrés, ou nous inviter à vous enregistrer dans notre téléphone mobile sous le nom « travaux ». C’est bien vu (car il est vrai que « M. Thierry », on pourrait à terme se demander de qui il s’agit). Avec intelligence, vous avez aussi su mettre un peu partout les mention « 7j/7 » et « 24h/24 », des fois qu’on douterait, bêtas que nous sommes, de votre entière disponibilité. (Par contre, je l’avoue, le petit « a » placé au milieu de la croix au revers de votre prospectus me rend songeur, je ne l’explique pas).

M. Thierry, votre épatant petit papier écrit à la main est peut-être une stratégie redoutable pour « faire vrai », « local » et « artisan du coin », pour sortir du lot des milliards de prospectus largués dans notre boîtes à lettres, chaque jour. Peut-être avez vous fait des études de marché pour savoir comment sortir du bruit ambiant, là où vos concurrents nous assomment avec des petits cartons hypocrites, qui comportent des numéros de téléphones pratiques, histoire qu’on les garde sous le coude. Si ça se trouve, vous êtes plusieurs hommes à tout faire à vous abriter derrière ce pseudonyme rassurant de « M. Thierry », bien lovés au sein d’une grosse entreprise qui n’hésitera pas à facturer au prix fort le moindre pépin de plomberie aux pauvres naufragés des tracas domestiques que nous sommes.

Mais face à ces interrogations, je choisis d’être volontairement naïf, et de croire que quelque part, pas loin de chez moi, vous existez, M. Thierry. J’ai envie de vous imaginer, rédigeant vos petites publicités à la main, avec application et détermination, feutre en main, droit dans vos bottes de sauveur, prêt à intervenir à toute heure du jour et de la nuit chez moi, en cas de catastrophe sanitaire ou électrique. Je vous imagine chaleureux, bonhomme, sans doute moustachu et un peu enveloppé. Je vous salue, M. Thierry, technicien de quartier, disponible 7 jours sur 7, et 24 heures sur 24.

Signé : votre cher voisin.