Le Nant, le café le plus « Star Trek »

C’est un endroit où je ne suis jamais entré, mais devant lequel je suis passé au moins des centaines de fois. C’est un bistrot comme on en voit de moins en moins dans mon quartier du 18ème arrondissemLe Nantent, gagné par la « gentrification » découlant de la hausse des loyers et du prix du mètre carré. Un « vieux » café, brut de pomme, baignant encore dans son jus des années 70 (voire même avant), là où tant d’autres sont devenus des restaurants branchés, à 19 euros le brunch du dimanche, ou, bien des agences immobilières.

Ce café, c’est Le Nant, rue du Ruisseau. Je prononce le « t » final, comme pour Nantes, alors qu’il ne faut pas. Je ne sais pas d’où vient ce nom (à moins que ce ne soit lié à la ville de l’Aveyron ainsi appellée) ? Ce Nant avait été qualifié de « bar le plus Star Trek » du quartier par un internaute, et cela m’avait fait rire. Sa façade est indescriptible. La saleté du calicot est telle qu’on ne sait même plus en dire la couleur exacte. Une planche de bois a remplacé une des vitres. Une année, un père Noël a été dessiné, ainsi que quelques sapins et étoiles. Ils n’ont jamais été effacés. Avec le Nant, c’est un peu les fêtes de fin d’année tous les jours. A un moment donné, il y a eu aussi un « Bonne année 2008 » peint sur la vitrine. Il est bien entendu resté là toute l’année. En 2009, le « 8 » a été gratté, pour faire un « 9 », tant bien que mal.

Même s’il est ouvert à tous, le lieu appartient en pratique à ses habitués. On y aperçoit les mêmes bouilles, pas toujours très fraîches. A l’intérieur, c’est sombre et encombré, comme un débarras. Il y a des alcôves en bois, qui rendent le lieu exigu. Elles ne semblent plus guère plus utilisées, car les fidèles sont surtout rivés au zinc. Parfois, certains s’en décollent et vont s’asseoir en terrasse. Enfin, la terrasse… Quelques tabourets, une chaise, une table apparaissent selon le temps qu’il fait. Je ne sais pas si les gens peuvent y manger, mais je doute fort qu’on y concocte des brunchs à 19 euros. Le demi de bière doit sans doute être le moins cher du quartier. A moins que ce ne soit aux « Gais Lurons » – autre bistrot suranné qui porte bien mal son nom – à deux pas de là ?

Ce Nant me fait sourire, à chaque fois que je passe devant, presque trop « brut » pour être vrai, et pourtant bien réel. Il m’intimide aussi, lui qui témoigne d’une époque passée. Quand ce coin du 18ème, coincé entre la Butte Montmartre et la Porte de Clignancourt, était plus populaire, plus canaille, plus inquiétant. Peut-être Mesrine, qui habitait à deux pas de là, le fréquentait-il parfois ? En tout cas, je n’ai jamais osé franchir le pas de porte. J’aurais l’impression de déranger, ou de donner le sentiment que je viens observer tout ça de plus près. Enfin, je ne sais pas trop. Pour moi, le Nant, c’est comme un truc privé, où je ne suis pas invité.

Le Nant est un survivant à sa façon. Il a quelque chose d’un peu triste – du moins, quand on passe devant dans la rue. Peut-être qu’à l’intérieur, les clients se marrent bien ? Un article dans « A nous Paris » (*) disait qu’il avait eu son heure de gloire et que des vedettes y étaient venues passer des soirées. Je ne sais pas si c’est vrai et j’ai franchement du mal à y croire. Mais je ne veux pas trop en savoir sur le Nant, en fait. Le savoir toujours debout en 2013 me suffit.

(*) Il faut bien le dire, j’avais été estomaqué de voir que le Nant ait pu être repéré par un tel journal, qui ne parle quasiment que d’endroits branchés et très chers.

5 réflexions au sujet de « Le Nant, le café le plus « Star Trek » »

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