Ici aussi, il y avait une gare

ornano-662-5-83ca6Je vous avais parlé il y a peu de ma visite de l’ex-gare de la petite ceinture, la gare de Saint-Ouen, dans le 18e. Elle sera bientôt réhabilitée en lieu culturel, appelé Le Hasard Ludique. Dans la foulée, j’ai pu également voir à quoi ressemblait l’ex-gare Ornano-Ceinture, du côté de la Porte de Clignancourt (il n’existe que deux bâtiments « survivants » du genre dans le 18e). Cette gare-là deviendra d’ici peu La Recylerie, un « lieu de vie », plutôt orienté restauration et réparation d’objets. Alors que la gare de Saint-Ouen est louée par la ville, celle d’Ornano a été achetée à Réseau ferré de France par des investisseurs privés, qui m’ont ouvert les portes, le temps d’une visite.

Aujourd’hui, à l’avant, côté boulevard Ornano, la gare est défigurée par une extension très laide, créée par le passé pour y accueillir des commerces (dont un café, La Tasse, dans les années 50, puis une banque, et, ces derniers temps, des boutiques d’accessoires téléphoniques). Cette ceinture de béton et de verre a fait disparaître la jolie façade de début du la fin XIXe. De la rue, on en aperçoit juste encore le toit, comme le montre très bien cette photo piochée sur Google Street View.

Capture d’écran 2014-02-18 à 23.10.02Pour des raisons de mètres carrés achetés, et auxquels les nouveaux propriétaires ne veulent pas renoncer (ça se comprend, mais il y a de quoi être sacrément déçu), cette verrue restera là. Elle sera simplement nettoyée et un peu « végétalisée », si j’ai bien saisi (voir ici le possible futur visage). A l’arrière, on retrouvera davantage l’architecture initiale :

arton1364-193abEntrons à l’intérieur. On se retrouve dans ladite verrue. On aperçoit les murs originels de la gare, qui ne seront pas restaurés, les propriétaires du lieu souhaitant laisser « les marques du temps » visibles. Y seront simplement apposés des vernis protecteurs. Sous les caissons de bois de la troisième image, il y a des lambeaux d’anciennes affiches, protégées des travaux, et que je n’ai malheureusement pas pu voir.

P1100642P1100645P1100641A cet endroit, ci-dessous, se tiendra « l’Atelier de René », endroit où l’on pourra venir faire réparer des objets des quotidiens (ou essayer de le faire soi-même). Il se trouvera aussi dans l’extension maudite.

P1100647Juste à côté, toujours côté boulevard des Maréchaux, cette ancienne fenêtre murée ne donne plus sur la rue, mais sur les murs des cuisines de l’ignoble KFC installé à côté (une chaîne où je me suis juré de ne jamais mettre les pieds ni les mains). Là aussi, les choses resteront en l’état – cela me surprend, mais il faudra voir plus tard ce que ça donne. A cet endroit, on retrouve ce que fut la gare : le dessins des fenêtres (cf. l’image au début de ce billet), le toit en pente et l’architecture de pierres avec voûtes. Séquence émotion, donc.

P1100634P1100623Quand on se retourne, on retrouve aussi dans la grande salle, qui donne sur les anciennes voies. L’endroit est vraiment beau, c’est une chance qu’il n’ait pas été démoli, ou réagencé. Au mur, les têtes rouges ne sont pas des tags, mais l’œuvre d’un artiste.

P1100628P1100638P1100630Au fond de la salle, il y aura la verrière, avec vue imprenable sur les voies ferrées, qui sont toujours là :

P1100626Cette salle ci-dessous sera appelée « La Consigne » (ou quelque chose dans le genre). C’est par là que passaient les voyageurs pour accéder à un des deux quais. Cette salle, sauf erreur, permettra de venir se poser pour travailler, au calme.

P1100648P1100649A l’arrière, côté rue Belliard, la terrasse permettra aux fumeurs de s’adonner à leur activité préférée, et, parfois, d’organiser des marchés divers. Pour l’instant, elle accueille des food trucks (l’équivalent branché de mes chères baraques à frites nordistes). Dans le prolongement, il y a un accès aux quais, qui devraient être aménagés (à quelques encablures de là, une association, Les jardins du Ruisseau, a déjà investi une partie des lieux, de l’autre côté des voies).

P1100254La Recyclerie devrait ouvrir au printemps. Les travaux sont en cours, mais resteront limités, puisque le lieu ne sera pas rénové en profondeur, et restera en grande partie dans ce jus « brut de décoffrage » (très tendance, en fait). Il n’y aura pas besoin de créer du « faux vieux », au moins.

Je suis vraiment content de savoir que le lieu va revivre, et ne plus être laissé dans cet état d’abandon misérable. Mais quelque chose « pique » un peu dans l’affaire, sans doute le fait qu’un bâtiment public et appartenant au patrimoine historique de la ville ait été vendu au secteur privé. Je jugerai sur pièces La Recyclerie, et ce sera sans doute bien pour ce coin de quartier, mais j’ai toujours un peu de mal avec cette idée. Au moins, le pire a été évité, puisque le KFC voulait racheter tout le lieu. J’en ai des suées  rien que d’y penser.

Nos deux hôtes et qui font partie des investisseurs, Martin Liot et Stéphane Vatinel, savent déjà à quelle critiques ils vont se cogner : « truc à bobos », « coin à bouffe à la mode », absence de dimension culturelle, non retour à l’architecture originelle (ce que je regrette aussi, sans verser dans la nostalgie excessive), etc. Pour avoir déjà mis sur pied des lieux comme Le Comptoir Général, je pense qu’ils sont vaccinés…

ornano-25(Source de la photo : Dixhuitinfo.com)